Pierre Gagnaire : « Les légumes sont très importants dans ma cuisine »
Le célèbre chef étoilé originaire de la Loire nous livre ses penchants et habitudes culinaires.
Quel a été votre dernier repas avant cet interview ?
Je viens de goûter un morceau de turbot poché dans du lait, dans le cadre d’un test pour le Fouquet’s. C’était pas mal (rires).
Votre plat préféré ?
La gourmandise est vraiment liée aux saisons. On ne mangera pas des truffes en juillet, par exemple. À l’automne, je trouve les cèpes formidables. Les huîtres aussi. L’été, je privilégierai plutôt des légumes verts, peut-être une pièce de veau. Nous avons cette chance de vivre dans un pays avec des saisons et des produits qui varient au fil du temps.
Celui que vous détestez ?
J’ai du mal avec le foie de veau, surtout en tranches ! Bizarrement, cuit entier, je lui trouve une autre texture, plus acceptable.
La recette qui vous rappelle votre enfance ?
Je suis originaire d’Apinac et issu d’une famille paysanne où la nourriture n’était pas très importante. Nous n’étions pas habités par la gourmandise. Je n’ai donc pas de madeleine de Proust, c’est peut-être d’ailleurs pour cela que je cuisine ainsi, afin de créer une mémoire gustative qui me soit propre.
Votre plaisir coupable ?
Je n’en ai pas véritablement. En revanche, il m’arrive, comme tout le monde, d’avoir parfois une boulimie, un besoin subit de chocolat, de sucreries ou de pain quand je rentre de voyage ou que je suis un peu décalé.
Celui qui vous réconforte après une mauvaise journée ?
Un morceau de pain avec un bout de fromage comme la fourme de Montbrison ou le comté. Cela me remplit l’estomac, me redynamise et remet les idées en place (rires). Je prends soin de le manger tout doucement pour l’apprécier pleinement.
La cuisine étrangère que vous préférez ?
Toutes ont leur charme. La pastilla marocaine est extraordinaire, les bouillons japonais sont fabuleux, le tandoori indien est intéressant, le fish and chips aussi, les woks en Chine sont incroyables. Je peux citer également l’Italie avec ses pâtes et ses risottos, l’Espagne avec ses grillades et les coquillages de Galice…
La meilleure version des pâtes ?
Là encore, tout dépend du temps. En ce moment, on peut faire des spaghettis avec des porcini – des cèpes –, c’est fabuleux. Le risotto à la truffe blanche… extraordinaire ! Un minestrone et la soupe au pistou, quand ils sont bien faits, c’est magnifique. Tous les cuisiniers vous le diront : quand on a la chance d’avoir accès à beaucoup de produits, pourquoi se priver et être bêtement sélectif ? Chaque saison, chaque rencontre, chaque moment permet de goûter des choses qui ont du charme.
La première recette que vous avez apprise ?
Des tomates concassées. C’était en septembre 1966, je débutais mon apprentissage à Lyon, chez Juliette, rue de l’Arbre-Sec. On m’avait appris à monder une tomate, la plonger dans l’eau bouillante puis glacée, enlever la peau, la couper en deux, enlever les pépins et la couper menue. Un très bon souvenir !
Le plat que vous cuisinez le mieux ?
La cuisson des légumes, sans doute. Je les aime beaucoup et ils sont très importants dans ma cuisine. Ils amènent de l’eau, du goût, des saveurs, de la texture. Tout cela en fait un élément qui apporte finesse et élégance.
Celui que vous préparez quand vous n’avez pas le temps ?
L’omelette au fromage, avec de bons œufs et du bon fromage râpé : emmental, parmesan ou beaufort. La cuisine est simple : quand on a des produits de qualité, ça le fait assez bien. Et plus vite, surtout.
Fast-food ou gastro ?
Gastro, quand même (rires). Même si je n’aime pas ce mot, j’aime encore moins le terme « fast-food ». On ne mange que deux fois par jour et un club sandwich peut très bien être gastro après tout, un œuf à la coque aussi.
Apéro ou digeo ?
Ni l’un, ni l’autre, je bois juste un peu de vin. Je laisse l’apéro et le digeo à mon filleul (Laurent Regairaz alias Chicandier, qui a également répondu à ces questions, NDLR) (rires).
Fromage ou dessert ?
En vieillissant, je préfère le fromage, même si j’aime le sucré de façon compulsive quand je suis fatigué. Il est très important dans mon travail, j’ai d’ailleurs commencé par la pâtisserie. J’adore, je m’y intéresse énormément. Lors d’un repas, en revanche, je vais davantage apprécier un morceau de fromage qu’un dessert.
Vin blanc, rouge ou rosé ?
À titre personnel, ce serait plutôt du rouge, après avoir commencé par du blanc (rires). C’est encore une question piège car il y a des produits intéressants dans chaque catégorie. Une fois de plus, le choix dépendra du temps, de l’heure, de l’événement, de ce qui accompagnera le vin. Vous n’allez pas boire un châteauneuf-du-pape avec une salade de tomates, mais du rosé.
Petit-déj salé ou sucré ?
Salé, même si je ne bois que du thé, du thé vert en l’occurrence. Il possède beaucoup de vertus médicinales et nettoie l’estomac, c’est bon pour la digestion. Étant donné que je dîne tard, je n’ai pas très faim le matin.
Le lait : avant ou après les céréales ?
Je déteste les céréales, mais il faut mettre le lait après.
Propos recueillis par Franck Talluto