Quand le fait divers interroge la société et ses évolutions

Une podcasteuse à succès est invitée à venir enseigner quelques semaines dans le pensionnat huppé du New Hampshire où elle a étudié. Le point de départ de J’ai quelques questions à vous poser semble banal. Jusqu’à ce que les élèves de Bodie Kane aient à choisir un sujet pour leur propre projet de podcast et que l’une d’entre eux s’intéresse à un fait divers qu’elle a vécu de près deux décennies auparavant : sa colocataire a été retrouvée morte dans la piscine et un entraîneur (noir) de l’établissement a été condamné pour meurtre. Aussi la narratrice finit-elle par se replonger dans cette affaire et dans ces années 1990 qu’adolescente elle n’avait pas très bien vécue. Bodie reprend le fil de ses souvenirs avec le recul lié à son évo- lution personnelle et à celles de la société. Notamment dans les rapports entre garçons et filles, revisités à travers le prisme du mouvement #MeToo. Elle doit aussi confronter des pans de sa mémoire à l’aune du point de vue de ses anciens camarades. 

Ce récit imposant exige une certaine patience car le rythme, entre passé et présent, est mené sur un tempo assez lent. Avec un doute, levé par la suite : à qui l’héroïne s’adresse-t-elle : au lecteur ? à la jeune fille qu’elle était ? à l’un des personnages ? Le choix du titre est judicieux car Rebecca Makkai ouvre pas mal de réflexions au fil des pages. Au-delà de la pure contre-en- quête, son roman interroge sur le temps qui passe, notre construction en tant qu’individu à travers le regard des autres, le harcèlement, le racisme, la justice, le traitement médiatique. Il reste d’ailleurs encore des points en suspens une fois la lecture terminée. 

Franck Talluto

« J’ai quelques questions à vous poser », éditions Les Escales, 490 pages environ, 23 euros